Storytelling des opposants dans les manifestations vénézuéliennes
Images et récits pour la création de la figure du héros

14 décembre 2022

Journée d’études : L’image de la ville au cœur des changements sociaux

Organisé par : Sylvaine Conord

Lieu : Université Paris Nanterre, bât Lefebvre, salle D201

Date : 14 décembre 2022

Entre avril et août 2017, des milliers de personnes manifestent leur désaccord face à la « révolution bolivarienne » initialement lancée par Chávez au Venezuela. Lors de ces manifestations plus de cent personnes trouvent la mort et des centaines d’autres sont blessées. Cette communication propose de faire la distinction entre deux types de mobilisations particulièrement esthétiques lors de ces luttes face au pouvoir de l’État. Les origines ou l’influence de ces deux modèles, autant que l’effet viral qu’ont donné un certain aperçu de la crise sociale, politique et économique à l’internationale, seront analysés dans cette création des « figures héros » pour certains ou « figures peureux ou faibles » pour d’autres. En définitive, si les images nous orientent vers des récits et des valeurs elles nous conduisent aussi à faire une sociologie des émotions. Les émotions de ceux qui produisent l’image et de ceux qui la regardent peuvent ou non coïncider.

la mise en scène des photographies dans l’espace urbain

Les manifestations dans l’espace public sont perçues globalement comme un moyen de communication collectif. La nécessité de représenter une masse et d’être vu de l’extérieur, au moment où ils décident de sortir dans la rue, est un symbole de défi, l’affirmation d’une position. Il s’agit surtout de montrer que malgré la fragilité « apparente », la masse n’a pas peur de la hiérarchie et du pouvoir de l’adversaire. Dans les images présentées, les manifestants s’emparent de l’espace public et prennent une large place dans les réseaux sociaux en devenant les héros de la population des opposants. Les photos ont été prises dans le cadre des manifestations survenues entre mai et août 2017 sur l’autoroute Francisco Fajardo, un espace que l’opposition s’est approprié depuis plusieurs années. Habituellement, cet espace a une connotation importante parce qu’il se trouve à l’est de la capitale et permet de traverser la ville vers l’ouest, où se trouvent les institutions gouvernementales.

Ainsi, la forte production et l’exploitation des images participent d’une véritable « guerre » via les réseaux sociaux et par médias interposés, où l’image sert d’appui aux discours qui s’affrontent. En définitive, c’est dans ce champ de l’esthétique de l’image que prend place le conflit. Celui-ci devient un spectacle qui, comme l’explique Guy Debord (1967), n’est pas le seul fait de l’état ou des pouvoirs publics, mais aussi celui des associations et des minorités.

Finalement, je coïncide avec Prunhuber, auteur de Sang et asphalte : 135 jours dans les rues du Venezuela : « jusqu’où pouvaient aller les forces répressives cette fois-ci et combien de temps pouvait encore résister cette population si déterminée pour récupérer sa liberté ? Nous ne pouvions pas imaginer le niveau de brutalité et de cruauté que l’état pouvait déployer. » De ce sentiment d’impuissance est né le besoin de compiler ses expériences et est apparu nécessaire de le communiquer, « dans cette lutte entre la barbarie et la démocratie le monde ne peut pas jouer sur l’ambiguïté [….] il doit se positionner » (PRUNHUBER 2019).

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