Les Faiseurs de villes
Textes rassemblés par Thierry Paquot

9 avril 2010

Date de parution : 2010

Éditeur : Infolio éditions

Collection : Archigraphy Poche

Pages : pp. 101-112 et pp. 361-380 / 509 p.

ISBN : 978-2-88474-576-5

Domaines : Urbanisme

FREY (Jean-Pierre), « Gaston Bardet, théoricien de l’urbanisme « culturaliste » », in : Urbanisme, n° 319, juillet-août 2001, pp. 32-36
Gaston Bardet, théoricien de l’urbanisme « culturaliste »
Gaston Bardet (Vichy, 1907-1989) architecte-urbaniste et principal théoricien de l’urbanisme dit « culturaliste », partage avec d’autres penseurs de la ville comme Maurice Halbwachs, René Maunier, Édouard Fuster ou Augustin Rey le triste privilège non seulement d’être tombé dans l’oubli, mais surtout d’avoir pâti du discrédit que la technostructure triomphante des Trente Glorieuses et les doctrinaires du Mouvement moderne ont jeté sur ses œuvres, faute de les avoir comprises et même souvent de les avoir lues.
Plutôt que Polytechnique, que son père, architecte à Vichy, lui suggérait de faire après son année de maths-spé, Bardet fît de brillantes études d’architecture à l’ENSBA (atelier Pontremoli) puisqu’il obtînt 9 médailles et 2 prix américains. Il y soutiendra le 25 juin 1932, devant un jury composé de Marcel Poëte, son directeur de recherche, William Oualid, Edouard Fuster, et Louis Bonnier, une thèse remarquable sur la Rome de Mussolini qui lui valut d’être premier Lauréat de l’Institut de France et de l’Institut d’Urbanisme. En 1935, il devient chef de l’agence d’architecture de l’Exposition Internationale des Arts et Techniques de 1937, organisée sous les auspices de Jacques Gréber, dont il a suivi les enseignements à l’IUUP. Sollicité à l’issue de ce travail par des étudiants comme Auzelle, Millet et Dufournet pour contrebalancer les cours théoriques par des activités pratiques, il s’engage dans l’enseignement en fondant en 1937 l’Atelier Supérieur d’Urbanisme Appliqué dont la guerre interrompra les activités. Il persistera cependant dans l’enseignement en contribuant à la création de l’Institut d’Urbanisme de l’Université d’Alger dont il fit la leçon inaugurale à la rentrée 1945 et y enseignera jusqu’en 1958, puis en fondant en 1947 l’Institut Supérieur d’Urbanisme Appliqué de Bruxelles (devenu l’ISURU) où il enseignera jusqu’en 1974. Répondant au souhait de Marcel désirant faire de lui son héritier spirituel —après en avoir fait son gendre—, Bardet présentera le 23 mars 1947 un travail sur l’histoire urbaine de Paris qui lui valut d’être diplômé de l’Ecole Pratique.
Théoricien de l’urbanisme, sa production littéraire fut abondante. Praticien, il n’eut que peu la possibilité de donner toute la mesure de son talent, sauf à l’occasion de ses contributions à la planification des villes de Constantine, Philippeville et Oran en Algérie, Louviers et surtout Le Rheu en France. Il se disait plus volontiers urbaniste qu’architecte.

FREY (Jean-Pierre), « Henri Prost (1874-1959), parcours d’un urbaniste discret (Rabat, Paris, Istanbul…) », in : Urbanisme, n° 336 : Utopie(s), mai-juin 2004, pp. 79-87
Henri Prost est de ces personnages qui forcent le respect par la grandeur de l’œuvre accomplie, mais dont la personnalité, ou plutôt l’existence ordinaire, reste dans l’ombre portée de leur stature monumentale. Si son nom figure bien dans de nombreux articles ou ouvrage sur l’urbanisme, on ne peut que difficilement le classer dans les théoriciens de ce profil professionnel qu’il incarne pourtant à la perfection, discrètement donc, dans tous les sens de ce terme, c’est-à-dire avec pertinence et sans tapage ou déclarations inutiles.
On a légitimement pu faire d’Henri Prost une figure exemplaire d’un urbanisme se voulant culturaliste. On a pu constater que ses projets ne furent pas plus réactionnaires ou rétrogrades qu’ils ne furent exempts d’une modernité interprétée avec tact et discrétion. Lui opposer un urbanisme supposé progressiste serait un véritable non-sens. On retiendra surtout le souci constant qu’il a eu de ne faire des propositions d’aménagement qu’en étant sur place, et sur un terrain dont il entendait connaître les moindres détails pour ne pas lui faire subir la moindre violence inutile. Il considérait donc les traces des autres intervenants avec scrupules et circonspection, que ces traces soient de l’ordre d’un patrimoine plus ou moins lointain ou de celui de débordements vernaculaires. Et pour ce qui concerne les actions illégales et les stratégies de contournement des règles d’urbanisme imposées par ses plans, seuls la priorité accordée à l’intérêt général et l’assujettissement des règles de détail à des vues d’ensemble lui semblaient un moyen efficace de lutte. Travail de concertation qui devait l’engager à concevoir son activité professionnelle comme un travail d’équipe plutôt que comme une œuvre personnelle. Belle leçon de modestie au service d’une action collective que la division grandissante du travail ne cesse de remettre en question.

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