Directeur de thèse : Marlène Ghorayeb
Discipline : Urbanisme
Année d’inscription : 2021
Université, école doctorale : Université Paris Ouest Nanterre La Défense, ED 395 « Milieux, cultures et sociétés du passé et du présent »
Référence HAL-SHS :
PROJET DE RECHERCHE :
Urbanisation et Gestion des zones côtières à l’épreuve des enjeux de pouvoir au Liban.
Le littoral est une zone vulnérable en perpétuelle évolution. Les zones côtières et les secteurs littoraux urbanisés sont les lieux de vie et d’échanges économiques les plus représentatifs. Ce sont des territoires aux enjeux multiples de développement urbain exponentiel qui porte atteinte à la santé des hommes par la pollution engendrée et la dégradation des écosystèmes. Ils représentent un potentiel économique mal exploité et enfin sont en péril.
Environ 230 Km de linéaire de rivage, l’espace côtier libanais englobe près du tiers du territoire libanais, soit le versant Ouest de la chaîne du Mont-Liban entre 0 et 800 mètres d’altitude et de larges espaces du Nord et du Sud-Liban. Mais ce dont il est question ici c’est le ruban étroit de territoire qui jouxte directement la mer, entre 0 et 50 mètres d’altitude environ. Cet espace littoral se caractérise par l’étroitesse de la plaine côtière sauf au nord et au sud.
La zone côtière, la partie la plus riche et la plus sensible du Liban, est un espace fragile sous tension et aux déséquilibres croissants. C’est un espace qui concentre l’essentiel de l’activité industrielle, portuaire, commerciale et touristique. Cette pression se traduit par des projets de remblais, des aménagements portuaires pour la plaisance et de multiples empiétements sur le domaine public maritime.
Cette zone est soumise à de très fortes pressions dans différents domaines. Elle se dote d’infrastructures lourdes qui ont un impact essentiel sur le paysage et sur les écosystèmes fragiles. On assiste à une détérioration du patrimoine écologique touristique et économique (Awada, Fouad 2004. SDATL).
La ville côtière libanaise apparait comme un espace géré par une multitude d’acteurs ou les processus d’occupation par différentes activités font l’objet d’interventions maladroites qui sont parfois très coûteuses à réparer. (BOURDAIN, A. 2014).
Le jeu d’acteurs se complexifie avec une absence de cadre législatif pour le débat public dans la définition des enjeux et des politiques d’aménagement., et une force politique qui exerce sa puissance en matière de planification des zones côtières sans avoir recours à des experts et aux acteurs concernés. On voit un paradoxe : Une action d’aménagement qui est à l’échelle de l’État central et un système d’acteurs qui n’est pas à cette échelle. (NAHAS, Ch. 2002).
La privatisation des zones côtières au Liban se présente comme un outil de gestion urbaine. L’État libanais favorise l’exploitation du domaine public maritime pour gagner en valeur ajoutée. (AGNES, F. 2001). L’occupation du domaine public maritime au Liban est un sujet à la fois capital et épineux. Les autorités publiques sont obsédées par la récupération des surfaces gagnées sur la mer pour enrichir une spéculation foncière folle.
En 2012, un rapport du ministère des Transports concluait cinq millions de m2 du littoral sont construits illégalement (Réf : Ministère des Travaux publics et des Transports).
La sempiternelle question du règlement des occupations illégales du domaine public maritime par des promoteurs immobiliers, l’inconscience par les autorités publiques, la déverse des eaux usées non traitées des villes côtières dans la mer et la crise des déchets et des décharges côtières affectent directement plusieurs sites.
En regard de cette situation désastreuse, et dans une atmosphère de confiance inexistante envers les autorités publiques, se pose également la question de savoir si les zones côtières seront-elles davantage mises à l’épreuve par une éventuelle prospection pétrolière ou gazière ? (BAAKLINI, S. 2017).
L’explosion du 4 août 2020 survenue dans le port de Beyrouth marque un tournant dans l’histoire du Liban et de sa capitale Beyrouth. Elle a frappé une zone côtière très large et l’ensemble de la ville. Cette catastrophe pose aujourd’hui un débat plus large et invite à une étude plus approfondie du jeu d’acteurs dans le processus de reconstruction et de la planification urbaine.
La problématique de l’exploitation illégale du domaine public maritime, perçue comme un des dossiers compliqués auxquels aucun gouvernement ne s’est vraiment attaqué depuis la fin de la guerre civile -1975-1990- en raison de l’importance des intérêts financiers en jeu, ne peut être abordée sans une définition de la planification urbaine et de la gestion urbaine des zones côtières à l’épreuve des enjeux de pouvoir au Liban.
C’est dans cette perspective, que l’étude de cet urbanisme chaotique au Liban et du processus de planification entraîne une analyse des aspects problématiques de sa définition dans une approche scientifique. (CROZIER, M. et FRIEDBERG E. 1977).
PROBLÉMATIQUE : (Contexte et Enjeux)
L’action publique urbaine qui se met en place avec le retour à la paix en 1990 est étroitement liée aux nouvelles relations de pouvoir issues du conflit. Ce système articule la logique du communautarisme politique et une orientation économique favorisant les investissements vers les secteurs de l’immobilier et ses dérivés, aux bénéfices d’une classe dirigeante mêlant leaders politiques et entrepreneurs. On observe donc à la fois une convergence d’intérêts économiques autour de la fabrique urbaine, et une gestion au niveau des zones côtières qui entérinent territorialement les clivages produits et entretenus par les relations tendues entre les groupes politiques. (VERDEIL, É. 2017).
Le manque de transparence dans l’aménagement urbain de ces zones est toujours à souligner. Il résulte à la fois d’un manque de coordination des acteurs, de la multiplication des niveaux d’intervention, de la complexité du système de gestion urbaine et de la non-concordance entre les règles officielles de la planification et sa pratique, caractérisée par des phénomènes de corruption et de clientélisme.
Les destructions du 4 Août 2020 à Beyrouth et les débats et initiatives de reconstruction des quartiers affectés en front de mer et à proximité du port fournissent un cadre de comparaison avec la réhabilitation du centre-ville après-guerre et la reconstruction de la banlieue sud de Beyrouth en 2006, et s’inscrivent dans une continuité de négligences coupables de la part de la classe dirigeante, de l’élite économique à l’encontre de la population et revêt ainsi une dimension politique.
Même si les destructions du 4 août résultent non de combats mais d’un accident industriel, la côte libanaise est le théâtre d’une forte attractivité de contestation urbaine. Les enjeux convoquent plusieurs registres.
Dans une perspective de long terme et de pérennité du développement, la conservation des ressources naturelles des zones côtières devient aujourd’hui une priorité or, le système littoral, fragile, met en évidence certaines limites au développement d’activités qui concourent à dégrader une nature dont elles dépendent entièrement. (EL JISR, B. 1991).
Un aménagement concerté et raisonné doit répondre aux pressions exercées par la littoralisation. Les migrations vers la zone côtière s’expliquent aujourd’hui par des opportunités récentes d’un genre nouveau, liées aux activités économiques en articulation avec l’économie mondiale contemporaine. (MICHEAL DAVIE.1997).
Les enjeux qui découlent des sources de conflit, des obstacles techniques ou financiers ou encore des contraintes politico- administratives affectent la logique du contrôle territorial constituant ainsi un obstacle à la planification urbaine en particulier dans les zones côtières.
Face à une autorité centrale fragilisée et des associations environnementales en perte de vitesse et de légitimité depuis les élections municipales de 1998, le secteur privé libanais profite du hiatus pour demander au gouvernement la privatisation des infrastructures et des services publics. (VADAL, E. Piché. 2005). La réforme de la politique d’aménagement est confrontée à une administration complètement désorganisée et à un territoire fragmenté, soumis aux nombreuses luttes politiques pour son contrôle avec un pouvoir et un rôle à renforcer des collectivités locales. (Dr KARAM, K. 2009).
Le développement touristique urbain de la zone côtière doit être au cœur des stratégies de développement durable, tout en étant une priorité de tout premier plan pour les politiques publiques territoriales de l’État libanais. L’aménagement durable s’impose sensiblement dans les modes de production de l’urbanisme ainsi que dans les formes de sa gestion par l’État, les collectivités locales et les sociétés locales.
La côte, étant un espace public de négociation, comment intégrer les diverses catégories d’acteurs concernés par la question urbaine ? (NAHAS, Ch. 15 août 2002), (ZEPF, M. et ANDRES, L. 2012).
1- Les conséquences de la guerre civile -1975-1990- :
La guerre du Liban a représenté un facteur majeur de transformations territoriales, en particulier à travers les déplacements de population qu’elle a entrainés. La dégradation parfois irrémédiable de l’environnement sur le littoral en est les conséquences principales. La ville côtière au Liban subit également la pression d’une artificialisation intense par une urbanisation anarchique qui a détruit les plages naturelles et les a converties en zones construites. (DAVIE, F. M. 1994).
La guerre civile qui a divisé le pays entre 1975 et 1991 a inscrit dans le tissu urbain ainsi que dans l’espace politique des profondes lignes de clivage que le Liban fait face depuis 2004-2005 jusqu’à aujourd’hui. Plusieurs projets illégaux des années 80 ont défiguré de larges portions de la côte en pleine guerre, dans plusieurs régions, qui ont fait disparaître une partie du patrimoine libanais surtout à Jounieh au nord de Beyrouth, avec des agressions sur le domaine public maritime.
Une autre conséquence de la guerre est un décalage durable entre la réalité de l’urbanisation et les réseaux routiers existants. En effet, les déplacements forcés et la recherche de zones sécurisées ont induit une extension périphérique dans des zones non desservies ou dont les réseaux ne pouvaient supporter l’accroissement localisé de la demande. Il en a résulté des pénuries locales, ou des dégradations des réseaux par surpression. (DAVIE, F. M. 1991).
Ils résultent de l’initiative de promoteurs qui s’inscrivent dans un marché foncier et immobilier relativement fluide en raison d’une réglementation sur l’usage des sols peu exigeante. Ces acteurs tentent de profiter d’un contexte économique favorable, la reconstruction se traduisant par des aménagements routiers ouvrant de nouvelles périphéries à l’urbanisation. (VERDEIL, É. 2017).
2- Les conséquences des choix d’une reconstruction économique tirée par le secteur immobilier :
La reconstruction du Liban depuis 1992, coûteuse qu’elle soit, spectaculaire qu’elle ait cherché à être, et par-delà son incohérence et son inadaptation aux besoins et aux possibilités du pays, a été, elle aussi, marquée par une caractéristique majeure : la financiarisation.
Avec la reconstruction, la transformation de la culture urbaine semble bénéficiaire d’un engouement accru, mais désormais sous contrôle légal, dont témoignent les vastes projets de remblai dans l’agglomération de Beyrouth. (EL JISR, B. 1991).
La reconstruction du centre-ville de Beyrouth lancée en 1992, fortement inspirée et directement contrôlée par Rafik Hariri, comme mécène, Président du conseil puis actionnaire, répondait à plusieurs objectifs politiques. La société SOLIDERE (une société foncière mixte), crée en 1994, pour la reconstruction du centre-ville, a été dotée de moyens d’action exceptionnels : détentrice d’une totale maitrise du foncier et bénéficiaire de divers avantages financiers, elle se voit déléguer une grande liberté de gestion du chantier. Conséquence de cette approche néolibérale de l’urbanisme, la reconstruction du centre-ville de Beyrouth a organisé une ségrégation sociale implacable par le jeu du marché, a refusé sa connexion au reste de la ville par les transports collectifs et a cherché à promouvoir la dépolitisation d’un espace pourtant charge d’une forte dimension symbolique.
Mais SOLIDERE n’est pas seul. Le remblai du Metn-Nord l’a précédée. LINORD aurait dû la suivre. ELISSAR, opération confuse s’il en est, y est intimement liée : elle en est la contrepartie en termes politico-confessionnels, et de plus elle aurait permis de dégager un front de mer supplémentaire avec de belles plus-values.
3- Les zones côtières, victime des arrangements politico- confessionnels :
La planification urbaine en zone littorale au Liban a été toujours interprétée à des fins politiques et selon des arrangements politico-confessionnels sans repère et sans aucune stratégie avec une absence d’intérêt public. Ces jeux de l’État et des acteurs privés pour l’occupation des zones côtières témoignent d’un accord sur le fait que le littoral représente un des lieux privilégiés, sinon le lieu, de la création de richesse.
Les villes côtières étaient toujours une opportunité pour des investissements privés anarchiques, une terre fertile pour tous les acteurs politiques qui cherchent leur place dans la gouvernance et l’espace de l’après-guerre.
Chaque opération d’aménagement faite reflète leurs ambitions et non pas une organisation bien définie selon des plans d’urbanisme clairs et prometteurs.
Les projets affichés dans ce domaine par le gouvernement, par exemple à Beyrouth, relèvent davantage de la surenchère en direction des clientèles confessionnelles que de l’analyse des besoins réels de la population. Le système politico-confessionnel coûte très cher économiquement et à tous les niveaux au Liban. (VERDEIL, É. FAOUR, Gh. Et VELUT, S. 2007).
4- La corruption : mode de gestion urbaine
La zone côtière est une conséquence de la corruption de la chasse politique et du système de gouvernance qui se désintéresse de l’amélioration du bien public.
L’explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth en est le bon exemple. Une explosion, équivalente à un séisme de magnitude 3.3, a littéralement décimé la ville de Beyrouth. Une terrible <
Les scandales à répétition qui éclatent à propos de la gestion urbaine des zones côtières au Liban mettent en évidence la corruption qui joue un rôle déterminant dans l’organisation de l’action publique. Depuis les années de reconstruction, la densification urbaine, conséquence de lois ouvrant de plus en plus de possibilités d’exploitation aux promoteurs, prive le littoral d’espaces accessibles au public et permet son accaparement pour des usages touristiques élitistes au nom de la croissance et du tourisme. (Https ://journals.openedition.org/champpenal/7954).
L’ampleur de la corruption urbaine devient bien un des problèmes politiques majeurs du pays. La dégradation de la confiance des citoyens placée en leurs représentants est clairement liée à la lecture qu’ils ont des pratiques illégales sur le littoral et de ses méfaits : paiement de commissions occultes, prévarication, détournement de fonds et entorses aux plans d’aménagement. (DAVIE, F. M. 1991).
La corruption a donc un effet direct sur la gestion urbaine dans la mesure ou les projets sont réalisés dans des qualités moindres. Les possibilités de corruption sont également provoquées par l’élaboration de faux projets. Les agents publics créent de fausses compagnies appartenant à des amis ont des membres de la famille en élaborant de faux contrats avec des consultants fictifs sur la base d’anciens documents. La multiplication de cas de la réflexion sur la corruption est dans un premier temps interne aux partis politiques et porte en particulier sur la professionnalisation de l’administration comme garantie contre les pratiques collusives. (BEZES, P. et LASCOUMES, P. 2005).
Ainsi la corruption n’est pas seulement une étape administrative parmi d’autres dans le cadre de la gestion des zones côtières, il est un des éléments clés de l’orientation de la planification.
Dès lors, il est intéressant d’analyser en quoi la corruption n’est plus seulement un obstacle à la planification, mais participe à la façon dont est redessiné le visage de la côte libanaise, le visage de Beyrouth de demain après l’explosion. (VERDEIL, É. 2020).
5- Un désordre décisionnel : un État failli ?
La manière dont l’urbanisation se déploie sur le territoire est le résultat conjugué de multiples initiatives conduites par des acteurs très divers, à différents niveaux : les promoteurs privés bien sûr, les différents Ministères et entités publiques. (CDR-Conseil de développement et de Reconstruction, offices autonomes, caisses régionales, le conseil du sud, crée en 1970, la caisse des déplacés créée en 1992…) ainsi que diverses associations civiles ou professionnelles (ordres des ingénieurs et architectes de Beyrouth et de Tripoli). Mais parmi eux, deux acteurs assument des fonctions et des responsabilités particulières en terme d’aménagement du territoire, en précédant on en accompagnant l’urbanisation par la réalisation d’équipements et d’infrastructures et par l’attribution des droits à construire.
La Direction Générale de l’Urbanisme (DGU) et le Conseil Supérieur de l’Urbanisme (C.S.U) au sein du Ministre des Travaux Publics, et les Municipalités.
L’État et les Collectivités locales jouent un rôle important dans l’orientation des dynamiques spatiales. (FARAH, J. et Al 2016), (FAVIER, A. 2001). Mais les autorités locales dans le cadre actuel des contraintes administratives imposées par l’État ne peuvent pas promouvoir, voir entraîner un développement urbain harmonieux, même si elles en avaient les moyens financiers. Elles ne peuvent prendre de décisions sans le retour au conseil des ministres, pour tomber à nouveau dans les longues formalités connues de l’État, vue l’absence d’une décentralisation administrative au niveau de tout le Liban.
Ainsi, les organismes publics responsables de l’aménagement urbain souffrent. L’Administration centrale détient le monopole de la réglementation urbaine avec une faiblesse prépondérante. Seuls les élus locaux (le Conseil municipal) sont associés au processus décisionnel de réglementation urbaine en formulant un avis consultatif. Il est à noter que ni le public, ni les organismes intéressés ne participent au processus d’établissement des plans d’urbanisme : aucune procédure de concertation, de débat ou d’enquête publique n’est en effet prévue par les textes. (EL-ACHKAR, E. 1998), (DEWAILLY, B. FAVIER, A. KARAM, K. HARB Al KAK, M. KHAYAT, T. SIGNOLES, A. 2004)
QUESTIONS DE RECHERCHE
Victime des arrangements politico-confessionnels et d’une autorité centrale fragilisée avec un système de gouvernance très faible, d’une règlementation sur l’usage des sols peu exigeante et d’un jeu d’acteurs à différents niveaux, le contexte urbain dans les zones côtières au Liban constitue un champ pertinent de recherche.
Pour répondre aux exigences et aux attentes de cet espace soumis á des enjeux multi- échelles, d’une société en transformation rapide, d’une économie instable et d’une action politique fluctuante, surgissent parmi bien d’autres, les questions suivantes :
Comment Gérer l’héritage de la guerre et de la reconstruction dans les zones côtières en cherchant un principe organisateur loin du système politico-confessionnel, avec un mode de gestion urbaine loin de la corruption prenant en compte l’intérêt public tout en assurant l’égalité des citoyens ? Sur quels mécanismes peut-on s’appuyer pour générer un urbanisme de proximité ?
Comment une nouvelle gouvernance de l’espace urbain au Liban pourra-t-elle répondre aux défis d’une nouvelle gestion urbaine intégrée de cet espace ?
A la lumière des reconstructions précédentes d’après-guerre,
Quelles sont les impasses d’une reconstruction sans Etat ?
Quelles sont les articulations entre professionnels et institutions des politiques urbaines ?
Comment élaborer les grandes lignes d’une stratégie de requalification urbaine ?
Comment les dynamiques actuelles feront-elles évoluer les cultures de l’urbanisme au Liban ?
Comment une perception des enjeux et de leur inscription dans le territoire pourrait intervenir ?
Dans quelle mesure un jeu d’acteurs détermine la forme et le montage des projets urbains ?
HYPOTHESE
Les expériences précédentes de reconstruction d’après-guerre ont durablement structuré la manière de fabriquer les politiques urbaines au Liban. En ce sens, La reconstruction de la zone côtière de Beyrouth après l’explosion permet d’observer des recompositions de l’État au Liban.
La situation actuelle au Liban, malgré les différences de contexte et d’enjeux d’après-guerre, sur fond de crise financière, de crise sociale, de crise politique, et de Covid-19 entraînent des revendications d’un retour à la normale. Une pression s’exerce sur tous les acteurs concernés pour aboutir à des décisions réparatrices rapides. (ZEPF, M. et ANDRES, L. 2012).
Dans ce cadre, l’explosion du 4 août constitue un moment de revalorisation de l’urbanisme et de la planification en tant qu’ils représentent aux mains d’autorités publiques des outils que renforce justement le contexte d’urgence. (NAHAS, Ch. 2002).
Dans cette perspective, une nouvelle réflexion urbaine sur la manière dont les institutions des politiques urbaines, les instruments et les logiques d’acteurs et d’autorités, en s’intéressant notamment aux débats publics qui permettent de comprendre des points de clivages et les évolutions, avec une approche croisée, est essentiel si l’on veut corriger les erreurs du passé et du présent.
Toutefois, nous, projetant dans le contexte libanais, une lecture de la double problématique de la privatisation des zones côtières et de la planification urbaine face à des situations de crises spécifiques dans leurs temporalités et leurs enjeux socio-spatiaux, comme dans les rapports de forces politiques qui les déterminent, ne peut être conçue sans appeler à une réforme nécessaire de l’État et à un urbanisme inventif et adaptatif en temps de crise et à une planification négociée avec une analyse du thème du renouveau de la planification qui supposent un changement de modalités de travail des pouvoirs publics pour une bonne gestion des villes. (VADAL, E. Piché. 2005), (VERDEIL, É. 2001).
La remise au débat de l’action publique (aménagement du territoire etc.) au Liban et des théories sur la zone côtière libanaise, étant une étape insurmontable pour mieux redéfinir l’acte d’aménagement et sa légitimité, d’une part, et la reconfiguration des intérêts et des forces qui l’entravent, d’autre part ; Il faut en effet, agir sur les paramètres qui dessinent ces intérêts et mobilisent ces forces.
METHODOLOGIE et CORPUS
Il s’agit de collecter toutes les données nécessaires, d’identifier un ensemble d’acteurs impliqués par les processus d’urbanisation des zones côtières, réaliser des enquêtes, des questionnaires avec tous les acteurs concernés de la politique urbaine au Liban, puis clarifier et analyser tous les résultats en identifiant toutes les idées et connections entres elles.
Nous allons nous appuyer sur les recherches bibliographiques, l’exploitation, le traitement et l’analyse de plusieurs sources de données : les données statistiques, les cartes, les plans, les images satellitaires, les entretiens, les rapports administratifs et les enquêtes de terrain.
Les informations obtenues par les documents cartographiques sont complétées par des données des rapports administratifs.
L’observation directe sur le terrain reste prédominante, elle permet une évolution conceptuelle. Un bon découpage de la tâche est essentiel après avoir fait un plan assez général.
1. La littérature académique.
2. Arsenal règlementaire et juridique concernent le littoral depuis 1925.
Etude de l’évolution de l’occupation du sol sur le littoral par des images satellites, des photographies aériennes et des outils cartographiques.
Etude des plans locaux d’urbanisme.
Etude de cas de quelques opérations d’aménagement permettant de mieux comprendre les mécanismes jouant sur la dynamique du trait de côte et les enjeux concernés.
Etude de la SDATL (schéma directeur et d’aménagement du territoire libanais) en ce qui concerne chaque commune littorale choisie.
Etude des plans de protection et de valorisation des constructions patrimoniales dans les zones côtières s’ils existent.
Etude de tous les plans officiels.
3. Analyse des acteurs publics et privés, y compris les associations impliquées dans les processus d’urbanisation et de transformations des territoires.
4. Entretien avec des élus, des acteurs politiques, des institutions, des acteurs privés, etc.
5. Mise en miroir de deux territoires :
L’identification de deux zones côtières à enjeux au Liban afin d’examiner les problèmes auxquels sont confrontées ces zones. La zone côtière de Jounieh et celle de Beyrouth à proximité du port. Ces zones se sont développées sans plan d’urbanisme et sans politiques urbaines inclusives. Des projets de remblais et de développement touristique se sont succédés bouleversant l’ancienne harmonie architecturale et urbaine pour répondre aux exigences d’une rentabilité immédiate en empiétant sur le domaine public maritime. Cette modalité illégale d’occupation du littoral doit être observée à la lumière de l’héritage de la guerre et de la reconstruction, des bouleversements politiques qui ont frappé le pays et à la multitude d’acteurs publics et privés qui manquent de cohérence entre eux gérant le territoire sans avoir recours à une politique urbaine durable et selon des arrangements politico- confessionnels.
Jounieh est une ville côtière située à 20 km du nord de Beyrouth. Elle s’est développée durant la période de guerre sans aucune politique d’aménagement avec des agressions sur le domaine public maritime par dizaines engendrant une crise urbaine très grave en affectant le patrimoine architectural et urbain existant à cause de la multitude d’acteurs qui gèrent cette ville.
Les conflits d’usage y sont particulièrement importants, et l’équilibre à trouver avec la protection de la biodiversité est particulièrement périlleux.
La zone côtière de Beyrouth à proximité du port, malgré les différences de contexte de la zone côtière de Jounieh, nous affirmons l’intérêt de comparer ces deux zones entre plusieurs séquences de reconstruction avant et après l’explosion du 4 août parce que les expériences précédentes ont durablement structuré la manière de fabriquer les politiques urbaines au Liban.
Après l’explosion, l’activisme urbain suscite de nombreuses initiatives qui proposent des modifications notables des modes de faire l’urbanisme.