Résumé
Au tournant des années 2000, la notion de ville durable et de fortes aspirations à la « nature en ville » comme constitutive du bien-être individuel et collectif apparaissent, concomitantes avec la diffusion massive des risques et enjeux du réchauffement climatique auprès des populations. A la même période, un changement profond se produit dans la conception des espaces publics en Europe, marqué par une plus grande attention aux usages et une plus grande place faite aux loisirs et aux pratiques ludiques et sportives, et à l’inclusion de différentes classes d’âge, enfants compris.
Ces deux dynamiques vont opérer des transformations profondes dans le rapport des habitants aux espaces publics urbains, de plus en plus envisagés comme des lieux de détente où chercher à se rafraîchir et se ressourcer. Face à la hausse des températures en été, les pratiques de baignade* en pleine ville se multiplient. Les municipalités tentent, parfois simultanément, de les prohiber ou de les encadrer en leur mettant à disposition des lieux dédiés : jeux d’eau, piétonisation et animation des bords de fleuves urbains, espaces de détente où bronzer en plein air, etc. Nous voyons ainsi apparaître de nouveaux types d’aménagements, en apparence plus permissifs, qui eux-mêmes font évoluer l’utilisation des aménagements existants, voire des règlements urbains. Le réchauffement climatique semble donc à son tour devenir un vecteur de transformation de la conception des espaces publics, en lien avec des problématiques de « confort d’été », et, peut-être, de nouveaux imaginaires urbains.
Ce travail de recherche doctorale se propose d’analyser à la fois les pratiques de baignade, formelles et informelles, et la façon dont celles-ci sont encouragées, encadrées ou interdites par les autorités à travers les projets d’aménagements qui les précèdent ou les suivent. Nous commencerons par étudier l’action publique concourant à l’aménagement d’espaces de baignade à l’échelle de l’Île-de-France et du canton de Genève. Puis nous observerons les pratiques elles-mêmes des baigneuses et baigneurs, au bassin de la Villette à Paris, et sur les berges du Rhône à Genève. Enfin, nous analyserons les attentes que peuvent faire peser les populations administrées sur l’action publique quant au développement de sites de baignade en ville. Nous reviendrons à l’échelle européenne et nous nous pencherons sur les journées Big Jump, baignades collectives en rivières organisées régulièrement par l’ERN (European River Network) dans l’optique de sensibiliser les populations à la dépollution des eaux de rivière.
Cette thèse permettrait ainsi de concourir à visibiliser la façon dont le réchauffement climatique impacte déjà les pratiques quotidiennes et la gestion des espaces publics.
* Par « baignade » nous entendons non seulement l’immersion du corps dans l’eau mais plus généralement le contact entre le corps et l’eau à des fins de rafraichissement.