Les relations afro-maghrébines du foyer au quartier, la fraternité islamique à l’épreuve du quotidien

20 mars 2015

Directeur de thèse : Claire Lévy-Vroelant.

Discipline : Sociologie

Année d’inscription : 2012

Date de soutenance : 03-12-2019

Université, école doctorale : Université Paris 8

Jury : Le président du jury était Catherine Wihtol de Wenden. Le jury était composé de Sophie Bava, Emmanuel Ma Mung. Les rapporteurs étaient Mahamet Timera, Sylvie Mazzella.

Résumé

C’est dans la réalité sociale des échanges quotidiens que j’étudie les rapports qu’entretiennent entre eux les groupes composant les « immigrés afro-maghrébins de France » et les « immigrés afro-maghrébins du Canada » (dans le cas où la cotutelle est définitivement établie [1]). Le « clivage d’esclavage » et ses représentations associées à la couleur de peau (noire) ont pu créer un écart dans la vie sociale entre le groupe maghrébin et le groupe subsaharien. Leur effet se fait ressentir dans chaque société où se trouvent les deux groupes. Cette disqualification sociale a pu affecter les liens matrimoniaux pour des raisons souvent liées à la couleur noire (et à la couleur blanche) disqualification qui fait revivre le souvenir de l’esclavage pour les Noirs chez les Arabes, ce qui explique que l’arabité soit associée à des représentations négatives chez nombre de Subsahariens aujourd’hui.

De façon plus précise, le travail de thèse explore les logiques à l’œuvre dans les relations ordinaires entre Subsahariens et Magrébins, en France et au Canada. Les Subsahariens et les Maghrébins, s’ils sont plus ou moins confondus dans les représentations de la société d’accueil (vaste ensemble indistinct « immigrés ») entretiennent, au-delà de l’Islam qui les concerne très généralement, des rapports qui ne sont pas seulement fraternels. On peut même avancer que des formes de discrimination les opposent, sans compter les distinctions opérées au sein-même de chaque groupe. C’est une discrimination dont la couleur de peau, les rapports sociaux esclavagistes, mais aussi des rapports différenciés à l’Islam, sont par hypothèse les principaux facteurs explicatifs.

Au vu de ce qui précède, mon analyse repose sur les logiques à l’œuvre dans les relations sociales entre immigrés d’origine africaine (Subsahariens et Maghrébins) qui doivent être saisies finement, en contexte.

La première partie de la thèse abord l’éthnicisation et la racialisation des deux groupes. La deuxième partie, analyse les facteurs et les raisons des pratiques de cohésion et d’alliance. La troisième partie étudie les facteurs et les raisons des pratiques d’exclusion. Et enfin, la une dernière partie plus analytique identifie et confronte les lignes de fracture de la « fraternité islamique » à l’épreuve de la racialisation.

A partir des foyers de travailleurs migrants, je souhaite faire des enquêtes dans les quartiers populaires d’Ile-de-France et d’Ottawa ainsi que dans les Universités. Les associations culturelles africaines et maghrébines, les centres sociaux, les lieux ordinaires de la ville (marchés, cafés) seront aussi des lieux privilégiés de mes enquêtes. Un guide d’entretien a été mis au point qui laisse beaucoup de marge à l’expression de type récits de vie. La démarche de recherche est également fondée sur l’observation participante.

Mots-clés :immigration, Maghrébins, Subsahariens, stigmate, discrimination, Islam, sociabilité, fraternité

Afro-Maghreb relations from the Foyer to the neighbourhood : the Islamic fraternity to the test of daily lif

Summary

The social composition of immigration in France shows a plurality of “ethnic groups”, communities, professions and religions. Regarding Sub-Saharans and North Africans, differentiation begins with the phenotype, and then becomes prejudices in social relation between individuals and groups. The life of North African and Sub-Saharan immigrants in foyers (hostels used for their accommodation) since the 1950s, as well as later in urban neighbourhoods, is characterized by a grouping which has reinforced ethnicization. Both populations occupy spaces according to their origins and cultures. Moreover, “racialization” on the basis of skin colour may have created a gap between the Sub-Saharan population and the North African population which is wrongly considered as a homogeneous “immigrant” group.What kind of relationship exists between the Sub-Saharan populations and the North African populations in France ? What kind of sociability exists between Sub-Saharans and North Africans of the same generation ? Have social barriers made relationships particularly sensitive on the issue of matrimonial alliances and the ensuing kinship relationships ? Have both North Africans and Sub-Saharans succeeded in adapting their lifestyle with that of their host society’s distinct traditions ? What is the consistency of the notion of fraternity between Sub-Saharans and North Africans ? By whom and how is it expressed ? Other than a confessional (Islamic) fraternity, is not there evidence of the erosion, the questioning, or even the disappearance of a form of solidarity and fraternity ? Finally, how do the transformations that take place in concrete living conditions (work, housing) influence sociability, and more generally the relationship with others ?My study focuses on the relationships between the groups of “Afro-Maghreb immigrants of France” within the social reality of daily exchanges. The “slave cleavage” and its representations associated with (black) skin colour may have created a gap in social life between the Maghreb group and the Sub-Saharan group. Their effect is felt in every society where both groups live together. This social disqualification may have affected matrimonial ties. The reasons are often related to black (and white) disqualification, which revives the memory of slavery for Blacks among Arabs, which explains why Arabness is associated with negative representations among many Sub-Saharians today. The thesis is divided into five parts, the first part outlines the purpose of this research and its narrative, which are followed by the lexicon of “racializing” that Afro-Maghreb relations have generated over time. This section also provides an overview of the populations we study, the areas where they live, as well as the methods used during this research. In the second part, we have defined “groups and their borders”, North Africans and Sub-Saharans across space and through human history. Then, we discussed the criteria of morality and assessment factors for the Afro-Maghreb community. In this section, we have given more importance to mobility and interaction, first in the context of relations between the Maghreb and Sub-Saharan Africa through history, particularly the pre-colonial period. Then we have addressed Afro-Maghreb immigration and post-colonial interethnic cohabitation up to the present day.

[1L’intérêt d’un travail conjoint avec le Canada réside dans le contexte d’immigration d’une importante communauté africaine, et de la présence d’un spécialiste de la question, Philippe COUTON, qui, sur notre sollicitation, a accepté de me suivre en cotutelle.