Résumé
En 1968, les élites architecturales traditionnelles, fortement liées au système académique, ont été radicalement mises en cause. Depuis, de nouvelles élites semblent s’être constituées, cumulant les prix, les publications, les commandes et les postes les plus prestigieux. Cette thèse se propose de tester la validité de ce constat et de mettre à jour les mécanismes qui prévalent à la consécration des architectes français contemporains. Une enquête par entretiens auprès d’une vingtaine de praticiens a permis de saisir les comportements d’auto-promotion des architectes et de les confronter avec les types professionnels mis en évidence par les travaux socio-économiques récents. Entre recherche de commandes et quête de reconnaissance symbolique, « architectes d’affaires » et « architectes créateurs » se différencient fortement. A l’échelle nationale, les réputations s’élaborent sous l’action conjuguée de la critique architecturale, des administrations de tutelle de l’architecture, des organisations professionnelles et enfin des médias grand public. L’analyse de la base de données recensant 85 marques de reconnaissance professionnelle et les 2685 architectes qui en ont fait l’objet entre 1968 et 1995 permet de décrire, dans ses principaux traits, le système contemporain de consécration architecturale et les types d’individus qui en font l’objet. Il apparait que les administrations chargées de promouvoir la qualité architecturale se sont progressivement substituées à la profession pour désigner « les architectes de talent » et leur confier la tâche hautement symbolique de concevoir les édifices publics. Cette élite, médiatisée par la critique architecturale et la presse générale, est peu controversée au sein du groupe professionnel : celui-ci, affaibli par les évolutions organisationnelles et économiques en cours dans le secteur du bâtiment, trouve, dans l’existence de ces « stars », une revalorisation globale de son prestige.