La Irrupción del cuerpo
El espacio del cuerpo desde las medidas de la arquitectura a la desmesura urbanistica

9 avril 2013

Date de parution : 2013

Éditeur : Institut Français / Universidad de Chile

Collection : Cátedra Michel Foucault

Pages : pp. 243-281 / 351 p.

ISBN : 9-789561-908093

Domaines : Architecture et urbanisme

TEDRA MICHEL FOUCAULT, La Irrupción del cuerpo, Actas IV Escuela Chile Francia, 2010, Oralidad : memoria, relatos y textos, Actas V Escuela Chile Francia, 2011, Santiago de Chile, Institut Français / Universidad de Chile, 2013, 351 p.

Extrait du texte en français

Mesures architecturales et démesure urbanistique de l’espace du corps

Introduction
Nous devons aux beaux travaux de Jean Piaget, Erwin Panofsky et Pierre Francastel d’avoir attiré l’attention des chercheurs sur le fait que les signes figuratifs se constituent moins dans un rapport immédiat à une description du réel que comme un témoignage de systèmes mentaux. Le corps humain et ses images tels qu’ils figurent dans les traités ou dans les projets pourraient nous laisser croire d’emblée que les hommes et leurs espaces corporels trouvent tout naturellement une place dans l’organisation de l’espace habité des architectures ou de l’espace urbain dans la mesure où c’est pour abriter des personnes que les lieux sont façonnés. Il n’en est rien, d’autant qu’une épistémologie de l’espace amorcée au XXe siècle devait attirer l’attention sur le fait que, notamment dans l’analyse psychogénétique, la construction progressive des rapports spatiaux se poursuit sur deux plans distincts : le plan perceptif ou sensori-moteur et le plan représentatif ou intellectuel et que, plus globalement, c’est dans le cadre d’une dialectique à trois dimensions (le réel, le perçu et l’imaginaire, selon Pierre Francastel, ou le vécu, le perçu, le conçu, selon Henri Lefebvre) que les images du corps vont prendre tout leur sens. C’est donc à l’instrumentalisation symbolique de l’image du corps, dans les domaines d’une architecture et d’un urbanisme soucieux de rendre compte du rôle joué par les images dans la production de l’espace, que nous souhaitons ici réfléchir.
Il y a lieu de faire tout d’abord la distinction entre les systèmes de mensuration du corps et les images du corps humain comme système de mesure de l’architecture ou de la forme urbaine. Ceux-ci permettent de donner ce que l’on appelle du reste assez inconsidérément une « échelle humaine » aux lieux produits. Il faut dire que cette « échelle », dont Philippe Boudon a fait le cœur de son épistémologie, est sans doute plus de l’ordre des tropes que du dimensionnement effectif. Ce n’est pas un hasard si l’on peut partir de l’idée que les métaphores organicistes et un anthropomorphisme utilisé comme une catachrèse ont pu faire figure de commodité d’expression dans des domaines encore trop peu scientifiques pour prétendre discipliner leur vocabulaire et leur cadre conceptuel. La question du rôle et de l’usage des métaphores dans toute pensée scientifique naissante et leur éventuel statut d’obstacle épistémologique —contrebalancé, comme le souligne judicieusement Gaston Bachelard, par celui de moteur de l’imaginaire dans toute conceptualisation— nous semble devoir mériter des investigations spécifiques propres aux domaines de l’architecture et de l’urbanisme. Plus modestement, nous voudrions souligner quelques discontinuités historiques et épistémologiques des images du corps humain et suggérer des pistes d’investigation pour un développement de la recherche dans ces domaines.

Conclusion : Le corporel décharné et l’acharnement des charniers
Pour conclure cette trop sommaire réflexion nous souhaitons attirer l’attention sur le fait que les violences étatiques ou interethniques, raciales, culturelles ou sociales n’ont de cesse, sinon de progresser, du moins de fonctionner à des échelles dont on peut craindre qu’elles ne deviennent inhumaines, ce qui veut dire incompréhensibles ou impensables. La recherche des charniers confine à une macabre archéologie du savoir, mais qui est susceptible d’apporter une contribution essentielle aux cours de justice pour savoir ce qui s’est réellement passé, surtout quand massacres et exécutions ont été perpétrés de façon sommaire, c’est-à-dire « sans autre forme de procès ». Dans les domaines de l’architecture et de l’urbanisme, où l’on se désintéresse dramatiquement des questions évoquées dans ce texte au profit de considération plus ou moins futiles sur l’innovation et le clinquant de réalisations injustement médiatisées parce que supposées innovantes et révolutionnaires, je ne saurais trop recommander à tout honnête homme de se pencher avec circonspection et une attention vigilante sur des pratiques qui, pour ne figurer que rarement dans les historiographies architecturales et urbanistiques, n’en témoignent pas moins pour autant des ressorts les plus inavouables de nos sociétés.

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