Revue : Le philotope n°14 « Les synergies à l’œuvre », Réseau PHILAU
Co-auteur.trices : Frick-Cloupet Carla, Mahéo Anaëlle, Mantout Romain
Date : Septembre 2020
Pages : pp. 117-130
Digressions sur le récit
« Carla, Anaëlle et Romain sont trois architectes et doctorants issus de structures et de parcours différents, travaillant sur des sujets tout autant diversifiés.
Carla interroge les liens entre la philosophie analytique et l’architecture à partir d’une analyse de projets contemporains. Il s’agit d’architectures singulières, faites de faux semblants qui s’apparentent à l’architecture ambiguë théorisée par Robert Venturi. A l’instar de Venturi, Carla construit son analyse à partir d’outils langagiers : des verbes performatifs qui se concentrent sur les actions faites au cours du processus de projet.
Le travail d’Anaëlle s’attache à fabriquer à partir de la notion de passage un concept opérant pour l’architecture, en l’éprouvant par le récit phénoménologique. Issus d’une pratique en agence d’architecture, ses récits décrivent les perceptions infra-ordinaires de la pratique du métier jusqu’à l’expérience d’un espace vécu. Ils engagent la réflexion dans l’exploration d’un paysage d’images du passage.
À travers le prisme d’une écologie politique, Romain cherche quant à lui à mieux comprendre la responsabilité et le rôle de l’architecte dans l’élaboration d’un espace cohabitation entre vivants humains et non-humains. Il mène ainsi une exploration méthodologique de la notion de récits au sein des services techniques d’une mairie, pour envisager les arbres en tant que sujets politiques dans le processus de projet architectural et de dessin de l’espace public.
Bien que très différents, Carla, Anaëlle et Romain se rencontrent autour de la notion de récit. Dans le cadre de cet article, pour explorer les récits qu’iels fabriquent, iels ont choisi de s’éloigner d’une forme préalablement constituée pour lui préférer un protocole de travail synergique basé sur des échanges réguliers à hauteur de deux rendez-vous hebdomadaires.
Le premier consistait en une suite d’entretiens permettant tour à tour d’expliquer les relations que chacun·e·s entretenait avec les récits dans son doctorat : quels types 1 de récits sont à l’œuvre ? Pourquoi, comment et à quels moments arrivent-ils dans leurs recherches ? Quels liens entretiennent-ils avec elles ? Quels sont leurs effets ? Par la suite, chacun·e·s a reformulé le travail d’un·e autre dans un texte limité à 500 mots pour s’approprier mutuellement les termes, les processus et les impensés de ses collègues, pour comprendre les lieux sur lesquels iels pouvaient se rejoindre et à l’inverse les sujets de désaccords et de discordances.
Le second rendez-vous de la semaine était dédié à la présentation d’une source bibliographique. Le choix des textes s’est fait en fonction de leurs connaissances préalables : Carla a pu introduire la pensée de Donna Haraway, et Anaëlle présenter Proust et les signes de Gilles Deleuze. Mais ils ont également profité de l’occasion pour approfondir ou même découvrir certains textes nécessaires à leurs travaux respectifs : Romain et Anaëlle ont lu Temps et Récit de Ricoeur, et Carla, L’art comme expérience de Dewey. « Chacun·e choisissait son arme » et la présentait selon l’usage qu’iel en avait. Il ne s’agissait donc pas d’état de l’art mais plutôt d’un outil de dialogue, de mise en débat de leurs différentes acceptions du “récit”.
Finalement, leurs échanges ont produit 17h de rush en vidéoconférence. Ils ont librement manipulé ces échanges, tout en respectant les spécificités de chacun·e·s, afin de les organiser suivant les thèmes qui ont émerger lors des discussions. Le dialogue s’est imposé comme la forme la plus adaptée pour cette mise en partage. Le présent article en est la formalisation. »