Caroline Rozenholc-Escobar

De la mémoire aux territoires

Interroger la fabrique des lieux de mobilité

Financeurs : Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord

Axe : Penser la ville contemporaine

Thème : Mémoire et territoires : représentations, narrations, patrimonialisation

Durée : 2015-2017

Projet de préfiguration

L’ampleur (volume) et la diversité des mobilités – ne serait-ce que du point de vue de l’origine géographique des individus ou des groupes mobiles, des moyens de transport utilisés, de ce qui les motivent (l’économique, le politique, le religieux ou le tourisme) – reposent la question du lieu, de son rôle et du sens qu’il revêt aujourd’hui. Elles constituent un prisme stimulant, mais peu utilisé, pour en lire les transformations et les permanences, leur fonctionnement en réseau ou la place qu’ils occupent dans la constitution des territoires (Guérin-Pace et Filippova, 2008). Les lieux revêtent une épaisseur et une capacité inclusive nouvelle qui dépasse de loin la définition qu’en donnait Foucault (1984) dans sa réflexion sur les hétérotopies. Ils ne sont plus seulement des « emplacements irréductibles les uns aux autres », mais des kaléidoscopes d’expériences, de strates, de mémoires multiples et d’événements simultanés : des enchevêtrements de pratiques socio-spatiales contenues dans des formes ouvertes mais limitées.

Description courte du projet

Le présent projet prolonge un travail doctoral (Rozenholc 2010) sur l’équation identité-territoire et les bouleversements qu’y apporte la mondialisation dans le rapport aux lieux contemporains (le sense of place des anglo-saxons). Il poursuit cette exploration des lieux par une double entrée : la mémoire, comme composante forte de l’identité et de l’identification spatiale, et les mobilités, comme levier désormais incontournable de la mondialisation. Si les notions de « mémoire » et de « territoire » font aujourd’hui l’objet d’un intérêt croissant tant dans le champ des sciences urbaines que dans celui des Memory studies, notre approche par les lieux de mobilité permettra de les traiter conjointement, là où elles se rejoignent dans la fabrique concrète et idéelle des lieux et, en particulier, des lieux où s’inscrivent des mobilités. Par le lieu – réalité polymorphe et concept polysémique à interroger – on pourra ainsi aborder, sans les opposer, les dimensions sociales et spatiales, physiques et relationnelles de la mémoire et du territoire. Le lieu sera par conséquent interrogé par ce qui en fait « l’esprit », l’atmosphère ou l’ambiance (il faudra préciser chacun des termes) et la singularité dans un monde dont l’uniformisation annoncée est à questionner. Cette problématique du rôle de la mémoire dans la construction des lieux où la mobilité (tourisme, pèlerinage, migration par exemple) joue un rôle structurant a, cela dit, plusieurs dimensions. Pour y répondre, puisqu’elle engage des thèmes abordés souvent séparément (mémoire, territoire, mondialisation, mobilités) le projet propose une réflexion pleinement interdisciplinaire en mobilisant des géographes, des sociologues, des théologiens mais aussi des urbanistes, des architectes et des artistes-plasticiens qui produisent les lieux et interrogent la manière dont l’esprit vient aux lieux et, en retour, en affecte les usagers. La mise en dialogue des approches, des méthodes et des outils sera également internationale pour amorcer une véritable contribution au débat sur des lieux qui se situent à l’articulation entre expériences sensitives et émotionnelles, mise en récit et en image, représentations mais aussi structures spatiales, inscription dans des réseaux et dans un territoire plus vaste. La proposition est ainsi d’utiliser le rapport aux lieux constitués par des expériences de mobilité comme prisme pour interroger la manière dont mémoire et territoires sont mutuellement constitutifs.

Objectifs généraux du projet

1. Construire un réseau international de chercheurs et de praticiens (Français, Israéliens et Suisses) autour de la question des lieux de mobilité, pour interroger à la fois les processus de fabrication de ces lieux contemporains ET leurs caractéristiques.
2. Renouveler, grâce cette mise en réseau interdisciplinaire, les outils méthodologiques et réflexifs pour traiter de la fabrique des lieux contemporains et de la fabrique contemporaine des lieux.
3. Valoriser les rencontres scientifiques prévues dans le projet par une publication (type numéro de revue) et, à terme, un colloque international sur la question de la mémoire des lieux, leur production et leurs usages, en intégrant certaines des initiatives du projet « Mémoires de passeurs/passeurs de mémoires. Lieux, temps et formes de la transmission et de l’oubli » porté par C. Lévy-Vroelant, C. Barrère et Ch. Reinprecht (projet structurant du thème 1 de l’axe 4).

Document-joint