Insaniyat, Revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales, 8° année, n° 23-24 : Oran, une ville d’Algérie
Figure et plans d’Oran 1931-1936 ou les années de tous les Danger

2 janvier 2004

Date de parution : janvier-juin 2004

Éditeur : CRASC, Oran (Algérie)

Collection : Insaniyat, Revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales

Pages : pp. 111-134

Domaines : Urbanisme - Sciences sociales

Extraits

La ville d’Oran doit une part de son histoire à l’intervention de professionnels dont certains furent résidents voir natifs de cette ville, d’autres sollicités en vue de réaliser une tâche particulière pour laquelle ils ne firent que passer. Rares en effet sont les villes disposant d’emblée de l’ensemble des compétences requises pour planifier ou gérer au quotidien les multiples opérations faisant d’une ville un objet de planification.
L’histoire proprement urbaine d’une agglomération est une chose ; celle de son urbanisme en est une autre. C’est pour accorder une importance toute particulière à cette distinction que nous voudrions détailler ici certains aspects de la façon de procéder dans ce domaine dit de l’urbanisme et de l’aménagement. Le mot urbanisme n’apparaît en effet que fort tardivement dans une histoire des villes qui ne devient proprement urbaine qu’avec le développement considérable de l’industrie et d’un exode rural prenant le pas sur le croît naturel de la population des agglomérations. Si la plupart des auteurs s’accordent à voir dans le XIXe siècle le moment d’une histoire déjà longue où l’urbanisation devient un processus producteur d’un nouveau type d’espace, caractérisé notamment par sa croissance à la périphérie et la différentiation de ses diverses strates en zones spécialisées selon des principes supposés rationnels et fonctionnels, ils restent souvent trop peu rigoureux pour être attentifs aux particularités proprement épistémologiques et méthodologiques du mode de planification qui s’institue au début du XXe siècle. L’apparition de ce nouveau vocable témoigne en effet à la fois de la mise en place de nouvelles procédures, de connaissances renouvelées de ce qu’est la ville et du recours à des professionnels d’un type nouveau encore mal reconnu et identifié : les urbanistes. Certains d’entre eux retiendront notre attention à propos d’Oran : René, Raymon et Paul Danger pour la période 1931-1936 et, encore que dans une moindre mesure, Gaston Bardet pour son intervention couvrant celle de 1936 à 1948.
Cette description un peu catastrophique des quartiers caractérisant la population musulmane pose aux chercheurs la question de savoir, entre autres choses, si la situation a évolué en se dégradant au lendemain de la guerre, au point que la situation est tout autre que dans les années 30, ou bien si, outre le fait qu’il ne s’agit pas des mêmes urbanistes, c’est le regard porté sur la ville et sa population qui s’est transformé. Les deux raisons se conjuguent sans doute. D’abord parce que la période de la Seconde Guerre mondiale en Algérie, encore trop mal connue, semble avoir été celle d’une misère urbaine accrue corrélative d’une détresse des paysans de la campagne et d’un exode qui amène une détérioration des quartiers et des conditions d’habitation, ensuite parce que le marché de la consommation de masse naissant devait principalement profiter aux salariés, laissant les populations indigènes les plus démunies sur le bord du chemin. Il faudrait tout de même s’enquérir des conditions de vie des autres catégories de la population, car il me semble bien que le déficit en logements et les travaux d’amélioration de la ville dans son ensemble laissaient fortement à désirer au point que le Plan de Constantine arrivera trop tard pour sauver la mise des autorités. Mais, manifestement, le défi existe toujours.

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