Le marché du vivre ensemble
Entre professionnalisation de l’intermédiation bailleur-locataire, et pacifiation des conflits dans les grands ensembles HLM

5 juin 2015

Directeur de thèse : Agnès Deboulet

Discipline : Sociologie

Année d’inscription : 2014

Université : Université Paris 8

Ecole doctorale : ED 401

Résumé

À partir d’une enquête en immersion chez un prestataire pour des organismes HLM, cette thèse analyse comment le traitement des troubles résidentiels dans le parc social a généré un marché pour une nébuleuse d’associations et de bureaux d’études spécialisés en ingénierie sociale et urbaine. Face à des désordres résidentiels qui mettent à l’épreuve les modes de gestion et de cohabitation dans les grands ensembles, un groupe professionnel segmenté – les acteurs du « développement social urbain » (DSU) – tente de légitimer son expertise, en revendiquant une double capacité d’intermédiation entre bailleurs et locataires et de mobilisation des « invisibles » et autres « exclus » de l’espace public. Mais le processus de professionnalisation de ces intervenants se heurte néanmoins aux préoccupations patrimoniales et gestionnaires des organismes HLM, qui sont les commanditaires de leurs actions. Cette subordination entraîne des tensions identitaires pour les acteurs, tiraillés entre une rationalité gestionnaire portée par le monde HLM, et les objectifs de développement social poursuivis par la politique de la ville. Les professionnels du DSU internes aux bailleurs gèrent cette épreuve de positionnement en sous-traitant les relations de face-à-face avec les résidents à des prestataires, parvenus à monétiser le travail de « terrain » au prix d’une standardisation de leurs prestations. Considérant les troubles résidentiels comme une manifestation de problèmes sociaux structurels interpellant l’ensemble de la société, ce travail met en évidence comment les dynamiques d’institutionnalisation et de marchandisation du DSU entretiennent une logique de (dé)responsabilisation en « cascade », qui se décline en une injonction à la civilité : face à des problèmes sociaux et résidentiels dont les habitants et les agents de proximité sont in fine rendus responsables, ces acteurs n’auraient alors d’autres issues que de se responsabiliser et de faire l’apprentissage du vivre ensemble.

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